Amaury ayant cédé tous les droits de ses domaines au roi de France, Louis VIII, appuyé par le pape, peut se préparer à conquérir le Languedoc en toute tranquillité. Raymond VII est décidé à faire front, mais le pays est las de la guerre : les villes se soumettent les unes après les autres à la volonté royale et les plus fidèles alliés offrent également leur soumission à Louis VIII ou au légat du pape. Louis VIII arrive à Lyon avec une armée considérable, descend le Rhône, met le siège devant Avignon qui lui a fermé ses portes. Après trois mois de siège, assiégeants et assiégés, affamés et harassés, négocient la capitulation de la ville. Avignon était réputée inexpugnable et sa chute a un retentissement considérable.
La conquête aurait pu n'être qu'une promenade militaire, mais le roi, après Béziers, infléchit sa route vers le sud en évitant Toulouse puis, malade, renonce et remonte vers le nord. Il mourra sur le chemin du retour, laissant son royaume à son fils de neuf ans, Louis IX (futur Saint-Louis), sous la régence de Blanche de Castille.
A la mort du roi, Raymond VII reprend la lutte avec des fortunes diverses. Humbert de Beaujeu, lieutenant du roi, qui a pris en charge les conquêtes royales, travaille méthodiquement à affaiblir le Comte et ravages ses domaines jusqu'aux portes de Toulouse Seule, la ville reste inviolée
Le conflit dure depuis vingt ans Les belligérants aspirent à la paix.
Finalement, Raymond VII se voit proposer une solution qui sera adoptée au Traité de Paris : il gardera son comté et son titre jusqu'à sa mort Sa fille unique, Jeanne, étant sa seule héritière, épousera Alphonse de Poitiers, frère du roi, et par ce mariage, l'héritage reviendra ainsi à la couronne de France
La grande famille des Comtes de Toulouse s'éteindra mais avant la ratification du traité, Raymond VII devra faire pénitence pour ses actions passées. Il subira la même épreuve que son père, à Saint-Gilles. ' C'était un spectacle de compassion de voir un si grand homme, après avoir tant résisté, être conduit jusqu'à l'autel, en chemise, en haut-de-chausses et nu pieds '. Le traité l'oblige également à poursuivre les hérétiques, ce dont il s'acquittera avec plus ou moins d'énergie.
Car l'hérésie est toujours vivante, bien que de plus en plus clandestine. Les menaces sont telles – elles annoncent l'inquisition – que les Parfaits se cachent; beaucoup d'entre eux se réfugient dès ce moment à Montségur, avec les ' faydits ' (seigneurs dépossédés de leurs terres et qui n'ont jamais cessé la lutte).
En Avril 1233, le pape Grégoire IX décharge les évêques de leur mission d'inquisition pour l'attribuer aux Dominicains. Dès lors, l'Inquisition change de méthode et d‘ampleur. Les tribunaux auront des manuels d'interrogatoire, des procédures rigoureuses, des peines sévères. Les nouveaux inquisiteurs, très zélés, iront jusqu'à déterrer des cadavres d'hérétiques pour les faire brûler. Ils s'attireront une haine féroce et des troubles graves éclateront un peu partout, notamment à Toulouse.
La révolte éclate dans les anciens domaines de Trencavel, contre les fonctionnaires royaux, cupides et autoritaires. L'héritier de Trencavel (surnommé le Conquérant), réfugié en Aragon, accourt et, aidé des faydits, marche sur Carcassonne, après avoir reconquis les Corbières et tout le pays de Termenès, avec ses nids d'aigle de Cucugnan, Peyrepertuse et Quéribus. Il commence le siège de la ville, mais la place est trop forte et la garnison bien commandée ; les attaques successives échouent et déjà on annonce l'arrivée de l'armée royale ; les rebelles n'osent pas l'affronter et se retirent. La répression est terrible et plusieurs villes, qui s'étaient ralliées à Trencavel, seront ruinées. Peyrepertuse et Cucugnan se soumettent.
Raymond VII n'a pas bougé, trahissant ainsi les deux partis : il rêve de déchirer le Traité de Paris, de se remarier, d'avoir un autre héritier… vains espoirs !
L'opposition à l'Inquisition, doublée d'un mouvement de résistance à l'occupation française, provoque de nombreux actes de violence. Le plus grave sera le massacre des inquisiteurs d'Avignonet.
Le grand inquisiteur de Toulouse, Guillaume Arnaud et son adjoint, Étienne de Saint Thibéry, accompagnés de deux dominicains, d'un archidiacre et d'un assesseur, sont accueillis dans la ville d'Avignonet par Raymond d'Alfaro, châtelain de Raymond VII. Pensant profiter de la complicité du Comte et voulant exploiter la situation pour frapper un grand coup contre l'Inquisition, d'Alfaro organise un guet-apens. Il envoie des émissaires à Pierre-Roger de Mirepoix, qui se met en route avec une troupe de chevaliers réfugiés comme lui à Montségur. Arrivés à Avignonet, ils attendent la nuit et le signal d'un traître (écuyer des Inquisiteurs), pour faire irruption dans les chambres des Inquisiteurs. Guillaume Arnaud et ses compagnons sont massacrés sans avoir pu esquisser la moindre résistance. Le butin partagé, la troupe reprend le chemin de Montségur. Les assassins sont fêtés partout, preuve de la résistance de l'hérésie et de son audace.
Dans le camp de l'Église, l'indignation éclate, et l'Inquisition est renforcée par de nouvelles règles, plus dures encore.
C'était à Raymond VII de punir les criminels. Il fait semblant d'assiéger Montségur, en envoyant quelques-uns de ses officiers qui se retirent bientôt sans avoir rien tenté.
Hugues d'Arcis, sénéchal de Carcassonne, décide alors de prendre en main l'affaire de Montségur.
Situé sur un piton élevé, le château n'est abordable que par la face ouest. Sur les trois autres côtés, la roche nue, à pic, défie l'escalade.
Hugues d'Arcis marche sur Montségur en Mars 1243, en compagnie de Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, et de Durand évêque d'Albi. Ce dernier est précieux car c'est un ' machinator ' (un homme qui sait construire les machines pour envoyer des boulets sur les murs à abattre). Les deux chefs de l'armée assiégeante – le militaire et le religieux – pensaient faire capituler la forteresse par la faim et la soif. Ils envisageaient un siège qui durerait trois ou quatre mois, tout au plus. Ils se trompaient lourdement.
Comment imaginer Monségur en 1243 ? L'ancienne forteresse, propriété de Raymond de Péreille (ou Perella), avait été restaurée pour devenir le donjon du château. Des murs élevés selon un plan pentagonal complètent la place, ainsi qu'un fortin, dressé à l'Est, pour protéger le flanc oriental de la montagne. Autour du château, construites sur des terrasses qui forment le sommet du pog, des cabanes de bois rudimentaires, sans fenêtres, sans cheminées sont les demeures des Parfaits et Parfaites réfugiés à Montségur.
Dans un inconfort total, une promiscuité à peine imaginable, vivront là, pendant le siège, au moins cinq cents personnes, femmes, hommes, enfants de tous âges, séparés en deux sociétés bien distinctes : les Bonshommes, d'une part, sous la tutelle de l'évêque Bertrand d'En Marti, les Chevaliers, d'autre part, sous le commandement de Pierre Roger de Mirepoix.
Contrairement à ce qu'avaient imaginé les assiégeants, les habitants de Montségur ne manqueront jamais de nourriture ; outre les provisions faites avant le siège, un va-et-vient constant entre le pays d'en bas et la montagne sacrée assurera la communication avec l'extérieur et l'approvisionnement des assiégés. Par quels chemins difficiles et secrets ? Le mystère reste entier… Il faut ajouter que les assiégés ont souvent bénéficié de complicité de la part des assiégeants, comment autrement expliquer les renforts successifs qui parviennent à traverser les lignes ennemies pour rejoindre la forteresse ?
Au bout de cinq mois de siège sans succès, on comprend qu'il faut faire appel à de vrais montagnards. Des troupes originaires de la Bigorre et du pays basque arrivent donc en renfort et réussissent une première escalade qui les amènent à quatre-vingts mètres en contrebas du château. Les Croisés sont sur le pog et cherchent à détruire le fortin de l'Est et à prendre pied sur cette position, la seule qui permette d'installer une machine pour bombarder efficacement le château.
Or, arrive à Monségur, un ingénieur, Bertrand de la Beccalaria ; il construit immédiatement une baliste qui se met à lancer des projectiles sur la machine des Croisés. Ceux-ci sont donc repoussés.
Cependant, peu de temps après, Montségur tombera, victime d'une trahison : on pense que certains guides - gens du pays qui conduisaient ceux qui entraient et sortaient du château par des chemins secrets connus d'eux seuls – se laissèrent corrompre par l'ennemi; de nuit, ils emmenèrent des Croisés, par des parois vertigineuses, jusqu'à la construction de défense de l'Est, qui défendait si bien le château. Les combats sont acharnés, les assiégés sont refoulés dans le château.
La résistance continue, mais les assiégés sentent qu'ils ne tiendront pas longtemps. En prévision d'une reddition, ils évacuent une partie du ' trésor des Cathares ' vers une grotte du Sabarthès. Pierre Roger de Mirepoix essaie de recruter des hommes pour détruire la machine des Croisés, mais il échoue. Une nouvelle tentative est faite pour détruire cette machine infernale au début de Mars ; les combats sont meurtriers, même les femmes participent aux combats. Le moral est au plus bas, la capitulation est devenue inévitable.
La lassitude est grande aussi chez les assiégeants. Ils acceptent toutes les conditions de Pierre Roger de Mirepoix :
Les réfugiés obtiennent 15 jours de délai avant la réddition.
Les hommes d'armes se retirent libres avec armes et bagages.
Enfin Montségur sera rendu au roi de France.
Mais Hugues des Arcis, chef des croisés, exige que les Parfaits et les Parfaites choisissent: abjurer l'hérésie et avoir la vie sauve, ou persister dans l'erreur et être livrés au bûcher
Tout se déroulera comme prévu.
Le 16 Mars 1244, moururent, dans un gigantesque bûcher, plus de deux cents Cathares.
Ce fut l'épisode le plus tragique de l'histoire du Catharisme.
La chute de Montségur est un coup très dur pour les Cathares, mais elle ne marque pas la fin de l'hérésie. D'ailleurs Montségur n'est pas leur dernier refuge ; c'est Quéribus, ce nid d'aigle situé sur un éperon rocheux qui domine la plaine à une hauteur impressionnante, assiégé et pris en 1255 par le sénéchal de Carcassonne Pierre d'Auteuil à son propriétaire Chabert de Barbaira.
Pendant des années encore, les Cathares continuent de pratiquer leur culte et font de l'apostolat, mais cela dans la plus grande clandestinité, car l'Inquisition n'a pas relâché son emprise et les tribunaux condamnent à tour de bras. La plupart des Parfaits ou des croyants hérétiques se sont exilés : certains en Catalogne, le plus grand nombre en Italie .On trouve en Lombardie de véritables colonies d'hérétiques languedociens ; l'un d'entre eux, Pierre Authier, parti en Italie en 1296, revient en 1300 dans le Comté de Foix avec la ferme volonté d'y combattre Rome et de ressusciter l'Église cathare. Pendant onze ans, il parcourt le pays de nuit et de jour, prêchant en tous lieux, et tenant en échec la police de l'Inquisition. Il finit pourtant par être capturé et brûlé en Avril 1311. Son frère, son fils et ses disciples montent aussi sur le bûcher.
Leur disparition marque vraiment la fin du Catharisme.
Raymond VII poursuit quelques années encore les deux tâches qu'il s'était fixées : ' déchirer ' le Traité de Paris et inhumer son père en terre sainte. Mais ni l'une ni l'autre ne seront couronnées de succès. Il finira par s'incliner et accepter le fait accompli, précédé en cela par le jeune Vicomte Trencavel. Dans les dernières années de sa vie, il mettra même un zèle certain à pourchasser les hérétiques dans ses domaines et se préparera à partir en terre sainte, rejoindre la croisade de Saint-Louis. Mais il mourra avant que les préparatifs ne soient terminés, en Septembre 1249 et sera enterré selon son désir, à l'abbaye de Fontevrault, à côté de sa mère. Ses vassaux, son peuple, montreront beaucoup d'affliction et lui rendront un hommage sincère et émouvant. Alphonse de Poitiers devenait le nouveau Comte de Toulouse,. Alphonse et Jeanne, de retour de la croisade, font leur entrée solennelle à Toulouse le 23 Mai 1251, mais ne s'attardent pas dans le Midi, leur présence étant nécessaire à Paris, auprès du roi. Ils ne reparaissent à Toulouse qu'en 1270, rejoignant l'expédition de Tunis qui sera décimée par la peste. Épargnés par la contagion, ils veulent rentrer en France, mais ils meurent en cours de route, à trois jours d'intervalle. Avec Alphonse disparaît le dernier Comte de Toulouse, et le Languedoc tout entier est réuni au domaine royal.